Présidentielles : Le vote utile
- Armand Vanlerberghe
- 6 janv. 2024
- 3 min de lecture

Le dernier paramètre de cette élection est l’importance des sondages. Selon beaucoup d’électeurs, surtout dans les camps Zemmour et Pécresse, les sondages ont contribué au duel Macron/Le Pen en incitant les électeurs au « vote utile ».
La faute aux sondages ?
Selon certains mécontents du résultat du premier tour, beaucoup d'électeurs auraient reporté leur vote sur Le Pen, créditée à 21%, plutôt que de voter pour Zemmour, crédité à 8%, ou pour Pécresse, créditée à 7%, afin de battre Mélenchon et d’accéder au second tour. Dans le camp Mélenchon en revanche, on déplore l’absence de vote utile contre Jadot et Roussel, dont les voix cumulées auraient permis au leader de la France Insoumise de se qualifier pour le second tour.Les sondages avaient raison dans l’ensemble.
Le mythe du "vote caché"
Le résultat du premier tour donne pourtant raison aux sondages sans équivoque. Le « vote caché » pour Zemmour n’a pas eu lieu, Pécresse n’a pas décollé, et Mélenchon ne s’est pas qualifié. Les sondages ont donc montré l’intention de vote de la population avec justesse. À partir de ce constat, on ne peut pas sérieusement reprocher ni aux sondages d'être justes ni aux électeurs d'avoir voté pour l'un plutôt que pour l'autre.
Le vote d'opposition
Toujours est-il que le vote utile du premier tour n’a rien à voir avec le vote utile du second tour. Au premier tour, le vote utile reste un vote de conviction dans une certaine mesure, mais au second tour, il devient un vote d’opposition. On a entendu certains candidats appeler à voter Maron au second tour, en ajoutant que ce vote ne vaudrait pas caution, mais n'aura pour unique fonction que d'empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. Cela pose un problème fondamental vis-à-vis de la légitimité du futur président.
L’intérêt du scrutin à deux tours est de légitimer le vainqueur de l’élection. Si l’élection avait lieu en un seul tour, Macron serait élu Président avec 28% des voix. Cela signifie donc que 72% des votants n’auraient pas voté pour lui, et sa légitimité serait plus faible que s’il était élu au second tour avec plus de 50% des voix. Cependant, cette logique ne tient plus à partir du moment où certains électeurs ne considèrent plus que leur vote vaut caution pour celui qui en bénéficie. Cette conception du vote utile est dangereuse pour la démocratie, et c’est au nom du front républicain qu’elle est justifiée.
Voter "contre", un geste anti-républicain
Ceux qui appellent à voter Macron sans pour autant cautionner sa personne et son programme le font dans le seul intérêt de s’opposer à Le Pen. Si cela était fait idéologiquement, alors cela ne serait pas un vote utile, mais un vote de conviction. Or, c’est un vote utile qui n’a de justification que le discrédit de l’extrême droite vis-à-vis des principes républicains. On se trouve donc dans la situation paradoxale de voter contre un candidat sans voter pour l’autre, ce qui est en soi profondément anti-républicain, car le vote c’est justement la caution de légitimité républicaine nécessaire à toute conviction pour s’exercer au pouvoir. Un vote qui ne vaut pas caution, ce n’est pas un vote légitime, ce n'est pas un vote républicain.
Macron l’a bien compris, et c’est pour cette raison qu’il ne jouera pas la carte du « bien contre le mal » (France Info, 12 Avril), mais confrontera ses idées à celles de Le Pen « de projet à projet » afin de convaincre les électeurs. Sa future légitimité en dépend s'il est élu.
Le Pen a quant à elle appelé tous ceux qui n’ont pas voté Macron au premier tour à la rejoindre systématiquement. C’est un raccourci qui engage aussi un vote d’opposition, pas plus légitime que le front qu'elle se plaint de subir.