Nationalisme et Immigration
- Armand Vanlerberghe
- 6 janv. 2024
- 5 min de lecture

Ennemis jurés ? C’est un lieu commun qui s’affirme comme une évidence que le nationalisme et l’immigration sont incompatibles. Pourtant, pour le peu qu’on s’attarde sur le sens fondamental de ces deux termes, on s’aperçoit que rien ne les oppose.
Une contradiction infondée
Le nationalisme, dans le sens qu’on lui donne aujourd’hui, s’est en majorité vidé des considérations ethniques et raciales, et ne concerne plus que le sentiment d’appartenance, la fierté de son identité et la préférence de son pays par rapport aux autres. Le sens premier de l’immigration ne revendique en revanche aucun intérêt nationaliste contraire à celui du pays qui l’accueille, car il ne désigne qu’un mouvement de personnes d’un territoire à un autre, et ne pose de problèmes qu’au moment où il prend en compte l’identité de ces personnes et celle du pays qui les accueille. Or, si la contradiction entre nationalisme et immigration n’est pas flagrante dans leur sens premier, comment se fait-il qu’on les oppose aussi radicalement en toute circonstance ? Le nationalisme est-il trop important dans notre pays, ou bien l’immigration est-elle trop colonialiste ? Le problème nécessite qu’on y réfléchisse en profondeur, mais la solution est plus simple qu’il n’y paraît.
Le sentiment d'appartenance
On ferait un triste amant si on définissait l’amour par la peur de l’abandon plutôt que par l’envie de partager son bonheur. Alors pourquoi faisons-nous cette erreur quand nous parlons du sentiment nationaliste ? On ne peut pas plus définir l’amour par la jalousie que le sentiment nationaliste par la crainte des étrangers. Certes, derrière le principe fondamental de la nation, il y a d’abord l’idée d’un ensemble de personnes nées en un même endroit, selon le sens latin du mot natio, qui signifie naître.
Mais à l’heure où les partis nationalistes contestent le droit du sol en faveur du droit du sang pour l’obtention de la nationalité, on serait bien hypocrite de s’en servir pour opposer l’immigration à l’appartenance nationale. Il reste que c’est davantage la fierté d’une Histoire, l’appartenance à une culture et la manifestation d’une préférence nationale qui définit le mieux le sentiment nationaliste aujourd’hui, et que c’est l’accomplissement nationaliste par excellence pour un pays que de faire la promotion des ses valeurs auprès d’étrangers venus d’eux-mêmes pour y vivre. Encore une fois, on serait bien en peine d’opposer l’immigration à la préférence nationale, car nous qui sommes nés ici, quel mérite avons-nous d’aimer notre pays alors que ceux qu’on rejette par excès de nationalisme l’ont choisi parmi tous les autres ?
L'assimilation culturelle
Le problème vient de ce que l’immigration ne signifie plus simplement un mouvement de population, mais l’importation d’une culture étrangère avec elle. Non pas que les cultures s’opposent fondamentalement dans tous les cas et que l’une remplace forcément l’autre, mais plus le nombre d’immigrés issus d’une culture augmente, plus la part de cette culture augmente dans le pays qui les accueille si l’assimilation se fait dans le sens contraire, c’est à dire que c’est le pays d’accueil qui assimile la culture des étrangers qui s’y installent.
Si le grand remplacement existe, auquel on fait référence quand on parle de la culture arabe importée en France, il ne faut pas comprendre qu’une culture soit ennemie d’une autre, - car bien qu’il y ait entre elles quelques oppositions, il n’est fondamental pour aucune de s’opposer à l’autre - mais que la proportion d’habitants qui les représentent soit d’une importance suffisante à influencer les critères fondateurs de l’identité des habitants originaires du pays d’accueil. On voit que, pour l’instant, il est faux de parler de grand remplacement même dans son sens le plus modéré, car l’influence culturelle dans le fonctionnement des institutions de la France demeure exclusivement la sienne.
Un phénomène "boule de neige"
Cependant, il n’est pas exclu qu’on assiste rapidement à une remise en question de la société française toute entière selon les critères d’une culture étrangère, mais pas pour la raison colonialiste qu’on suspecte et dénonce. En effet, je ne considère pas que les modifications de la société telles qu’on les voit se produire aujourd’hui soient le résultat d’une volonté colonialiste coordonnée par l’ensemble de la population immigrée, du moins pas tant dans une perspective de domination que de juste représentation d’une population grandissante. C’est avant tout le manque de patriotisme de la part des français qui est responsable de la non-assimilation des étrangers, et donc de la modification de la société dans son entièreté.
Avec un nombre grandissant d’immigrés issus du Maghreb et un manque de patriotisme en France, on s’expose à un phénomène boule-de-neige : d’une part l’augmentation de la part de la culture arabe en France entraîne un sentiment grandissant d’insécurité identitaire (fortement lié à la diversification des mœurs, car la sécurité identitaire française provient de son mode de vie “à la française”), lequel contribue à la stigmatisation des immigrés de la part des patriotes, entraînant d’une part le refus des étrangers de s’assimiler à une patrie qui les rejette et d’autre part l’orientation anti-nationaliste du vote des étrangers naturalisés, conduisant ainsi à une politique d’immigration laxiste aggravant davantage le problème de départ.
La solution
L’assimilation des étrangers n’aura pas lieu tant que les français ne leur auront pas donné l’exemple. La première assimilation vers laquelle il faut tendre, et celle dont il manque cruellement, c’est celle des français à la France. Pour nous qui ne sommes plus que si peu nous-mêmes, comment blâmer un étranger issu d’une culture forte de ne pas abandonner son identité au profit de celle que nous ne savons même plus définir ? La problématique de l’assimilation est simple : pas de patriotisme, pas d’assimilation.
Une fois seulement que la France sera fière d'être la France, alors les français pourront l’aimer et les étrangers la rejoindre. Il n’y aura plus d’obstacle à l’assimilation des étrangers, dont la venue fait la richesse non pas identitaire, mais humaine de la France, terre d’accueil, mais pas terre vierge. La contradiction à travers laquelle le problème perdure aujourd’hui, c’est que les partis nationalistes sont ceux-là mêmes qui rejettent l’immigration en lui opposant une vision patriotique d’exclusivité biologique (droit du sang).
Petite mise en perspective...
Il demeure au-delà de tout cela que ce sont d’autres intérêts que ceux des étrangers que sert la dissolution des cultures les unes dans les autres, notamment ceux auxquels l’immigration profite directement, c’est à dire les grands groupes industriels européens, et plus largement, l’économie mondialisée. En effet, l’individualité d’une culture par rapport à une autre est un frein au commerce mondialisé, qui tend à unifier l’humanité sous une culture commune, véhicule universel de ses produits de consommation. Non pas qu’il y ait apriori quoi que ce soit de fondamentalement mauvais dans cela, mais il faut en être conscient afin de juger au mieux des véritables contradictions entre immigration et nationalisme, car c’est sans doute sur ce point qu’on trouverait le plus à dire.